Avec le succès de l’iPhone et de l’écosystème qu’Apple a su créer et développer avec l’App Store, les éditeurs de sites web, marques et entreprises, se ruent sur les applications, dans lesquelles ils perçoivent un nouvel eldorado.
Il ne se passe pas un jour sans que je reçoive une ou plusieurs annonces de lancement d’une nouvelle application pour iPhone. D’ailleurs si mes calculs sont exacts, depuis le lancement de l’App Store en août 2008, il s’est créé en moyenne 238 applications par jour ! Si avant l’arrivée du smartphone d’Apple il y a bientôt trois ans le web mobile était encore considéré comme un gadget sympathique mais un peu inutile, la qualité de Safari mobile et de l’expérience web sur l’iPhone, associée à la croissance phénoménale de l’App Store, a totalement redistribué les cartes : tout le monde veut son appli iPhone, et tant pis pour les autres plateformes, qui ne ramassent que quelques miettes du gâteau (même si Android s’en tire plutôt bien avec déjà plus de 30.000 applications disponibles).
En temps que mobinaute invétéré et de longue date, je m’intéresse plus particulièrement aux applications iPhone (et celles d’autres plateformes, quand elles existent) de médias d’information, marques et des quelques blogs ayant publié une application iPhone qui propose une version mobile packagée de leur site web. Avec cette question récurrente : quel est l’intérêt d’une application et quelle valeur ajoutée apporte-t-elle par rapport à une webapp mobile (à savoir la version mobile du site) ?
Si une telle démarche pouvait paraître dénuée de sens il y a encore quelques mois, l’émergence de ce nouveau modèle hybride mi-web mi-logiciel a finalement fait ses preuves et compte aujourd’hui ne nombreux arguments plaidant en sa faveur. Sans rentrer dans des considérations de contenu, et même si je sais que cet inventaire va certainement susciter des réactions contradictoires, voici 10 raisons pour lesquelles vous devez proposer une application plutôt qu’une version mobile de votre site web.
1. Un format vraiment adapté
Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais à l’image de ce qui se pratique sur le web « de bureau », les applications mobiles de sites médias répondent également de plus en plus fréquemment à des standards communs d’interface et d’ergonomie (boutons de navigation séquentielle, réglage de la taille de la police de caractères, partage dans les réseaux sociaux et par email, etc… ). Même si cela ne constitue pas un argument suffisant (on peut très bien faire la même chose avec une webapp), ces normes contribuent à une standardisation des interfaces favorable aux utilisateurs. D’autre part, une application bien conçue est réellement adaptée à l’expérience mobile car il s’agit d’un vrai logiciel réalisé à l’aide d’outils de développement propres à la plateforme et non pas de l’adaptation parfois maladroite du site web de l’éditeur.
2. Une plus grande facilité d’utilisation pour le grand public
Avec le développement des App Stores (et bien sûr plus précisément celui d’Apple) on assiste à une inversion des pratiques que l’on n’aurait pas imaginée aux temps héroïques des pionniers du mobile : il est plus facile aujourd’hui d’installer une app que d’aller chercher la version mobile d’un site web. Partant du constat que l’iPhone est maintenant un mobile très grand public, lorsque je regarde autour de moi parmi des personnes « normales » (comprendre : non-geek et pas forcément au fait des dernières technologies), je suis surpris de voir le nombre d’applications qu’elles ont installées sur leur iPhone, et de m’apercevoir que la plupart de ces apps sont celles de sites web de médias. Soit autant d’utilisateurs réguliers et fidèles des applications de 20 Minutes, Le Monde, Libé, Le Parisien, Le Point et autres, ce qui représente chaque jour des centaines de milliers de pages vues en plus pour ces éditeurs. Et pourtant la plupart de ces sites propose aussi une version web mobile ! Le grand public utilise-t-il les versions mobiles de ces sites ? La réponse est non, assurément. Pourquoi ? Voir point suivant.
3. Le grand public déteste les URL
Pas besoin d’études marketing ou de comportement pour faire ce constat : les gens détestent les URL ! La capacité de mémorisation d’un nom de domaine chez l’homo internetus moyen doit être limitée à deux ou trois, pas plus. Faites le test autour de vous et demandez à quelqu’un de vous donner l’url exacte des trois ou quatre sites qu’il fréquente le plus. Regardez aussi la façon que les mêmes personnes ont de retrouver leurs sites favoris : en saisissant leur nom dans Google, qui est devenu la première barre d’adresses du navigateur. Dans ce contexte, imaginez en plus qu’il faille mémoriser une adresse mobile, parmi ce petit florilège non exhaustif de d’adresses aussi conviviales que m.lesite.com, mobile.lesite.com, iphone.lesite.com ou encore www. lesite.com/mobile : juste impossible. Alors qu’avec une application, tout le travail est mâché : tu installes et à toi le web mobile, clair et simple comme une icône. Les gens aiment le concret, ce qui est emballé et prêt à consommer. Une appli (et son icône) répond parfaitement à cette attente. Ce qui nous amène au point suivant.
4. Le grand public adore les icônes
L’iPhone n’a pas inventé l’interface mobile par icônes mais il l’a imposée comme le seul standard valable. Pas étonnant alors que le public plébiscite ce type de navigation où les applications tiennent une place de choix. Encore une fois la simplicité d’utilisation prime : il est beaucoup plus simple de lire Le Monde sur son iPhone ou son Android en cliquant simplement sur une icône que si cela nécessite de lancer son navigateur puis de chercher le site dans la liste de ses favoris (quand on sait seulement que la fonction favoris existe). C’est peut-être juste un clic en moins mais c’est ce clic en moins qui fait toute la différence. Vous me direz que l’on peut céer une icône de favori sur l’écran de son iPhone avec n’importe-quel site web : c’est vrai, mais combien le font ? Et combien savent faire une icône personnalisée ?
5. Le push
Certaines applications média proposent une fonction push qui affiche les dernières news (ou une sélection de celles-ci) dans une petite fenêtre d’alerte sur l’écran de leur iPhone. C’est le cas par exemple du Monde (encore !) ou de Mashable.com. Voilà une fonction intéressante qui peut s’avérer selon les cas et les individus très addictive ou au contraire totalement insupportable. Mais quoique l’on en pense et quelque soit l’usage que l’on en fait, celle-ci n’est à ma connaissance possible que par l’intermédiaire d’une application. Fonctionnalité d’autant plus appréciable dans le contexte d’un appareil monotâche comme l’iPhone (même s’il va devenir partiellement multitâche avec la version 4.0 à venir).
6. Le buzz
Même si l’effet s’estompe et se banalise rapidement, pour une marque, lancer une application iPhone, y compris quand celle-ci n’est « qu’une » adaptation de son site web, est toujours l’occasion de faire parler d’elle, notamment dans les blogs, dont les plus spécialisés ont une audience parfois plus importante que le site institutionnel de la marque en question. C’est donc une occasion de s’offrir un peu de publicité gratuite, du rédactionnel et du backlink, voire plus si affinités : certaines enseignes profitent du lancement de leur application iPhone pour proposer un concours et une vraie opération de branding. Bref, l’application est en elle-même un très bon outil marketing. Ce qui n’est pas le cas du site web mobile : qui aujourd’hui oserait lancer une opération de buzz marketing autour du lancement de la version mobile de son site web ? D’ailleurs, la première question qui viendrait à l’esprit serait certainement un truc du genre : « et votre application iPhone, vous la sortez quand ? ». D’où le point à suivre.
7. C’est bon pour ton image, coco
Qu’on le veuille ou non, et même si cela peut énerver certains allergiques, proposer une application iPhone est aussi un truc tendance. Par conséquent la boîte qui veut se la péter un peu investira avantageusement dans son application plutôt que dans la réalisation de la version mobile en HTML de son site web. Ce qui conférera à l’entreprise une image branchée de boîte qui vit avec son temps, voire un peu en avance (selon son contexte de marché). C’est vrai, « on sort notre appli iPhone » ça sonne quand même mieux que « on sort la version mobile HTML CSS de notre site web que vous pourrez retrouver à l’adresse achetétépé deux points slash slash mobile point monsite point com » non ? Si. Un avantage concurrentiel qu’il conviendra cependant d’exploiter rapidement, car proposer son application iPhone sera bientôt aussi banal qu’avoir son parpier à en-tête ou une fontaine à eau.
8. Une application est plus facile à trouver qu’un site web mobile
La ménagère de moins de 99 ans se balade rarement sur Google pour trouver un site web mobile, et encore moins une application iPhone. Elle sait en revanche très bien utiliser l’App store directement à partir de son iPhone. Mieux, elle va se balader pour le plaisir sur l’App Store au hasard pour dénicher les applications de ses sites web préférés en utilisant simplement les fonctions de tri proposées (les plus récentes, les plus populaires, gratuites, payantes… ). Une façon de fouiner impossible avec Google, sauf à utiliser des requêtes spéciales ou les outils avancés, assez méconnus du grand public. Vous avez dit sérendipité ? Encore ?
9. Une application offre des possibilités de fonctions plus avancées qu’une version web mobile
Le HTML c’est bien mais cela peut vite s’avérer relativement limité, voire un peu lent, quand il s’agit de proposer des fonctions évoluées d’interaction à l’utilisateur. Regardez par exemple les menus de l’application USA Today (un modèle du genre et une de mes favorites), la fonction Postoshop du Post, ou encore les podcasts ou la radio live de l’application Libération, sans parler évidemment de la possibilité de charger intégralement l’édition du jour pour la lire ensuite hors connexion (TGV, avion, métro…). Bien sûr vous allez me répondre que tout cela est possible en HTML, d’accord, mais au prix de combien de complications ? Et nous n’en sommes qu’au début : l’arrivée de l’iPad permet d’entrevoir d’autres possibilités de mix entre magazine papier, site web et application multimédia.
10. L’écosystème de l’App Store, iAd et la possibilité de monétiser une application
Outre la possibilité de rendre une application payante avec un verrouillage des droits par utilisateur (chose difficile à faire avec un service web), il sera bientôt possible de gérer les espaces publicitaires d’une application afin de la rentabiliser. Steve Jobs a annoncé lors de sa dernière keynote le lancement prochain d’iAd, une régie publicitaire dédiée aux applications qui permettra aux éditeurs de commercialiser auprès des annonceurs les espaces publicitaires disponibles dans les applications. Il existe déjà des possibilités d’afficher de la pub dans une application mais avec iAd nous revenons au coeur de notre sujet : les publicités seront « intelligentes » car adaptées aux applications. Elles s’afficheront donc plus proprement et surtout ne nécessiteront pas de sortir de l’application pour aller chez l’annonceur, évitant ainsi les allers-retours vite agaçants dans le contexte actuel.
Bien sûr, je n’oublie pas que la multiplication des plateformes mobiles et des App Stores n’est pas forcément une très bonne chose pour le web et ses standards (Les App Stores vont-ils tuer l'espoir d'un standard unique ?), mais je pense que la bataille est d’ores et déjà perdue. Dans ce cas, même si l’on n’approuve pas cette évolution, il vaut mieux s’adapter que camper sur des positions : le web mobile passe aujourd’hui d’abord par les applications.
A moins que… Dans un prochain billet nous verrons
10 raisons de créer une version web mobile de son site plutôt qu’une application. Je suis sûr que vous avez plein d’arguments en faveur de cette hypothèse tellement cet article vous aura énervés
On n’est pas sortis de l’auberge.